Titrisation

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La titrisation est une technique financière qui a été importée des États-Unis à la fin des années 1980.

Originellement, il s’agit d’un mode de financement qui a évolué pour devenir à la fois un instrument de gestion du bilan, de gestion des risques, et de création de valeur.

Une tentative de définition générale peut-être dérivée du nom du produit : il s’agit d’une technique financière qui transforme des actifs illiquides en titres (obligation ou autre) liquides (*).

(*) « liquide » est utilisé ici dans son acception financière : est liquide un actif pour lequel il existe un marché efficace qui permet à tout moment à l’investisseur d’investir ou de désinvestir dans cet actif. Par opposition, est illiquide un actif pour lequel il n’existe pas de marché efficace.

Même si cette définition purement technique recouvre l’ensemble du phénomène, la titrisation peut prendre de multiples formes et peut être utilisée pour satisfaire des besoins divers.

Som


A la base, le concept est relativement simple : une entreprise financière, industrielle ou commerciale, lève des capitaux (émet des obligations) sur la base des flux financiers qui seront générés dans l’avenir par des actifs ou des droits tout en conservant la gestion quotidienne desdits actifs ou droits.

Afin de faciliter l’analyse du risque lié au portefeuille, c’est-à-dire de prévoir les flux financiers, les actifs ou droits cédés seront de préférence de même nature, tel que

L’investisseur participera à l’opération et acquerra les obligations non pas sur la base de la capacité de remboursement de l’entreprise qui a créé ou rassemblé les actifs, mais exclusivement sur la base des flux financiers futurs des actifs, qui garantissent le remboursement des obligations.

Chaque investisseur acquiert en quelque sorte une fraction du portefeuille d’actifs titrisés. Les obligations acquises par les investisseurs sont dites « adossées » au portefeuille d’actifs : on parle d’Asset Backed Securities (ABS).

On appellera une entreprise à la base de ce type d'opération l'«originateur» (qui a originé ou créé les actifs) ou le « cédant » (elle cède son droit sur les flux futurs)

En règle générale, afin d’assurer à l’investisseur la bonne fin de l’opération, la titrisation impliquera l'interposition, entre cédant(s) et investisseurs, d'une société qui sera créée pour l’occasion, ou société ad hoc (en anglais, « Special Purpose Vehicle » ou Special Purpose Company, « SPV » ou « SPC »). La nouvelle société rachète alors les actifs titrisés.

Le fait que tout passe à travers la SPC assure l'indépendance de l’opération du cédant et des actifs. Même si celui-ci tombe en faillite, la SPC continuera à exister et les investisseurs sont assurés d’avoir accès aux flux financiers générés par le portefeuille d’actifs. En effet, les créanciers d'un cédant ne pourront pas récupérer les actifs. Afin d’assurer la pérennité de la SPC en cas de faillite du cédant, toute une série d’intervenants professionnels sont utilisés dans l’opération, tels que des sociétés spécialisées dans la gestion de société de type SPC.

Illustration [modifier]

Schéma de base d’une titrisation
Schéma de base d’une titrisation

Une banque, le cédant, souhaite lever un financement basé sur un portefeuille de crédits hypothécaires.

Economiquement, tout se passe pour la banque comme si elle avait obtenu le financement « en direct » et elle s’est assuré un financement sur base de la qualité du portefeuille de crédit.

Juridiquement, il n’y a aucun rapport entre l’investisseur et la banque, puisque la SPC est interposée entre les deux : la faillite ou le défaut du cédant n’aura d’effet ni sur l’opération, ni sur les investisseurs.

Avantages [modifier]

Accès à une nouvelle source de financement [modifier]

Vendre des actifs pour se financer n'est pas, a priori, une technique financière complexe. Mais on considère ici la vente d'actifs parfois difficilement vendables, et en portefeuilles importants (500 millions d’euros est un montant ordinaire dans ce marché). Outre le montant de l'opération, se pose la question de la capacité de l’acheteur à analyser les risques du portefeuille, avec pour corollaire la possibilité pour le vendeur d’obtenir un juste prix.

Comme l'indique la définition, la titrisation permet alors de transformer le portefeuille illiquide en des titres liquides, ce qui permet de « vendre » le portefeuille non plus à un investisseur, mais à une multitude d’investisseurs, c'est-à-dire au marché des capitaux, un marché virtuellement infini d'investisseurs présents dans le monde entier.

Afin de faire se rencontrer cédant et investisseurs, la titrisation obéit à certaines règles de mise en place et de structuration qui permettent de fournir à tous les acteurs de la transaction une évaluation transparente des risques, et donc l’établissement d’un prix « juste ».

Par ailleurs, dans la mesure où les investisseurs vont prendre leur décision d’investissement non pas sur base de la qualité de l'entreprise, mais sur la base de la qualité des actifs cédés, même une entreprise qui ne serait pas en très bonne situation financière peut lever des fonds à des conditions raisonnables dans la mesure où elle peut identifier des actifs de qualité dans son bilan.

Transfert de risques [modifier]

Second avantage, le risque de perte sur le portefeuille est passé chez les investisseurs, ce qui signifie que si le portefeuille se révèle en définitive de mauvaise qualité et si les flux générés sont insuffisants, c’est l’investisseur qui subira, le cas échéant, une perte financière.

Il est cependant rare que la totalité du risque soit transmise aux investisseurs: en général, certains mécanismes sont mis en place de sorte que le cédant conserve ce qu'on appelle le «premier risque» sur le portefeuille (voir mécanisme expliqué ci-après).

Cependant, le mécanisme permet en tout cas au cédant de limiter son risque (ou de le « capper », lui donner un « cap » ou maximum, pour utiliser un terme usuel des marchés financiers) à un certain montant, le surplus étant supporté par les investisseurs.

Pour les banques, soumises à un contrôle des risques par leur contrôleur, la titrisation, utilisée comme outil de transfert des risques, est particulièrement importante.

Gestion de bilan [modifier]

En refinançant le portefeuille de crédit, le cédant a libéré des fonds et peut accroître son activité ou générer de nouveaux actifs tout en maintenant son bilan à un niveau maîtrisé, puisque les actifs sont sortis de son bilan.

Discrétion et maintien de la relation avec le client [modifier]

Surtout en Europe, une banque qui cède un portefeuille de crédit préfère que la transaction reste discrète. Ce qu’elle veut surtout c’est que son client (l’emprunteur) n’en sache rien.

Que ce souhait soit raisonnable ou non, on peut sans doute le lier au fait que pour beaucoup de banques européennes, le crédit est considéré comme le point de départ d’une relation globale que la banque espère rentable.

D’une certaine façon, cette vision du crédit est sans doute partagée par beaucoup de clients des banques, qui considèrent que la relation de crédit qu’ils ont avec leur banquier est de nature confidentielle. C’est spécialement le cas des entreprises.

Les opérations de titrisation sont bien sûr faites dans le respect de la réglementation sur la protection de la vie privée. Par exemple, les investisseurs ou les analystes ne sauront rien de l’identité du client. Ils auront tout au plus un numéro d’ordre, tandis que la liste des clients, éventuellement sur CD ROM, sera conservée sous scellé par un intermédiaire de confiance (notaire par exemple) et ne sera utilisée que si la banque fait faillite.

Afin de satisfaire ce besoin de discrétion:

  1. de manière générale, les clients (emprunteurs) ne sont pas avertis de la cession de leur crédit
  2. la banque continuera à être l’interlocuteur des clients, avec cette distinction que dorénavant, elle percevra les fonds pour le compte de la SPC en tant que gestionnaire (et non plus propriétaire) des actifs; dans le jargon de la titrisation, on dira que la banque est devenue le servicer des actifs.

Ceci est largement facilité par l’usage de la titrisation.

Extraction de valeur [modifier]

Une opération de titrisation ne répond pas nécessairement à d’autres besoins que l’envie d’extraire de la valeur d’actifs.

Sachant que n’importe quel actif productif de flux financiers peut être titrisé, la titrisation peut servir d’instrument d’arbitrage.

Exemple :

Ce type de transaction de titrisation, où les actifs sont des créances quelconques sur des entreprises, est appelé « Collateralised Debt Obligations » (CDO). Dans les CDO, on distingue aussi parfois les « Collateralised Bond Obligations » (CBO, où les actifs titrisés sont des bonds, ou des obligations) et les « Collateralised Loan Obligations » (CLO, où les actifs titrisés sont des crédits).

Après les RMBS (Residential Mortgage Backed Securities) et les CMBS (Commercial Mortgage Backed Securities), les titrisations de crédits hypothécaires résidentiels et commerciaux, les CDO sont le segment le plus important du marché de la titrisation. On y trouve aussi des CDO d'obligations titrisées (où les actifs titrisés sont eux-mêmes des obligations émises dans le cadre d'une opération de titrisation, par exemple des RMBS), avec aussi des CDOs de CDO (où les actifs titrisés sont eux-mêmes des CDOs, on parle de square CDO ou de CDOs au carré (CDO²), certaines opérations « au cube » -CDOs de square CDO- commençant à apparaître).

Structuration des obligations [modifier]

Généralement, plusieurs classes d’obligations seront émises, avec des classes supérieures (ou «senior» en anglais) et des classes subordonnées.

Pour donner un exemple très simple, on émettra 3 classes d'obligation (A, B et C), étant entendu que si le portefeuille subit une perte, c’est la classe « C » qui subira celle-ci d’abord. Lorsque la classe « C » est épuisée (c’est-à-dire que l’investisseur dans cette classe a tout perdu), la classe « B » commencera à perdre de l’argent, et ainsi de suite.

On dira dans ce cas là que la classe « C » est subordonnée aux classes « A » et « B », et que la classe « B » est subordonnée à la classe « A », cette dernière étant la classe supérieure (senior).

Il va sans dire que les investisseurs seront rémunérés différemment selon le risque de perte qu’ils encourent : pour l’investisseur de la classe « C », le taux d’intérêt devra rémunérer le risque relativement élevé qu’il court.

La raison pour laquelle ces classes sont créées est très simple : en créant des classes subordonnées, on améliore la qualité de crédit de la classe « A » jusqu’à réduire la probabilité de perte sur cette classe à un niveau extrêmement bas (voir Notation), ce qui va réduire le coût de financement de cette classe (un risque faible signifie, évidemment, une faible rémunération de risque).

Toute l’astuce revient à créer des classes de risque suffisamment hétérogènes de manière à minimiser le coût global de financement.

La création de classes subordonnées est dite le tranchage («tranching» en anglais). La façon dont le tranchage sera faite dépendra de l'analyse opérée par les agences de notation.

Notation [modifier]

Le marché de la titrisation est un marché qui dépend totalement de la capacité des agences de notation à donner une note financière à l’opération, et de la capacité des acteurs financiers à faire confiance aux conclusions de ces agences.

Les agences de notation sont des sociétés indépendantes spécialisées dans la notation financière des entreprises ou des opérations.

Elles apportent donc une information essentielle aux investisseurs potentiels qui n’ont ni le temps de s’investir dans l’examen d’un portefeuille d’actifs (parfois constitué de dizaine de milliers d’actifs), ni les instruments qui leurs permettent de faire des simulations de performances de portefeuille.

Dès lors, quelle que soit l’opération considérée, les agences de notation sont des acteurs obligés. Elles examineront celle-ci et évalueront les chances de perte pour les investisseurs.

Dans le cas d’un portefeuille de crédits hypothécaires par exemple, elles examineront la qualité du portefeuille (type de client, revenus, situation géographique, ratio prêt/montant emprunté, etc) et attribueront à chaque prêt une « chance de perte ».

Ensuite, selon la façon dont l’opération est structurée, elles attribueront au portefeuille une notation qui ira par exemple de « AAA » (la meilleure qualité) à « BBB » (la plus basse qualité des « investissement raisonnable », aussi appelé « investment grade » : à partir de « BB » on est dans le « spéculatif »).

L’exemple suivant (extrêmement schématique) illustrera le processus.

Considérons un portefeuille de crédits de 1.000.

Il est vraisemblable que les agences arrivent à la conclusion que le portefeuille n’a pas, en soi, une qualité suffisante pour atteindre la qualité « BBB ».

Par contre, si on indique à l’agence de notation que l'on constituera dans la SPV un « tampon », une « réserve » destinée à absorber les premières pertes, les agences tiendront compte de cet élément de protection pour évaluer les pertes possibles des investisseurs.

On vient de commencer à « structurer » l’opération.

En l’occurrence, on vient d’introduire un facteur (la réserve) qui rehausse la qualité de l’opération du point de vue du risque crédit supporté par l’investisseur.

On parlera d’une technique de « rehaussement de crédit » («credit enhancement»).

La réserve qui absorbera les pertes pourra être constituée de diverses façons :

Imaginons dès lors que l’agence ait les critères suivants:

Divers niveaux de rehaussement de qualité crédit d’un portefeuille
Divers niveaux de rehaussement de qualité crédit d’un portefeuille

Ces diverses possibilités sont illustrées ci-contre.

Comme on le voit dans l’illustration, ceci revient à envisager chaque fois le financement du portefeuille par deux classes, une supérieure et une subordonnée, la subordonnée servant de réserve.

Avec ces informations, nous pouvons commencer à véritablement structurer l’opération.


Cette réserve peut-être financée par une valeur supérieure du portefeuille par rapport au montant de dette levé, ou par la différence entre le rendement du portefeuille et la rémunération des investisseurs (gain d'arbitrage).

Décision de tranchage [modifier]

Compte tenu des informations dont nous disposons, voici la façon dont nous pourrions structurer l’opération et les classes que nous pourrions émettre, avec chaque fois la notation qui sera donnée par l’agence de notation. L’illustration montre deux possibilités de structuration.

Une alternative de « tranchage » et de création de classes pour un portefeuille
Une alternative de « tranchage » et de création de classes pour un portefeuille

Le tranchage est opéré de la manière suivante, en tenant compte de l'analyse des agences de notation:

Pour déterminer la qualité de crédit de chaque classe d’obligations, on regarde le montant qui se trouve « en-dessous » de cette classe, que ce soit sous forme de réserve ou de classes subordonnées. On peut donc « trancher » l’opération comme on le souhaite, créer autant de classes qu’on le veut, dans la mesure où on crée différents niveaux de réserves.

Lorsque l’agence de notation procédera à l'analyse du tranchage opéré, un seul élément sera important quand elle considérera la qualité de risque d’une tranche : le rehaussement de crédit total dont cette classe bénéficie, y compris les tranches qui lui sont subordonnées, et qui détermine sa notation.

Ensuite, on est effectivement libre de structurer l’opération comme on le souhaite. Au moment du choix entre les deux possibilités montrées dans l’illustration par exemple, le critère essentiel sera le coût de financement respectif de chaque branche de l’alternative selon les conditions du marché à ce moment là.

Le choix entre les diverses possibilités de tranchage dépendra donc essentiellement de la situation du marché et du différentiel de taux d’intérêt à payer aux diverses classes.

Spécificités de l’investissement [modifier]

Amortissement du portefeuille [modifier]

La seule source de flux financiers disponible étant les flux du portefeuille d’actif, les opérations de titrisation ont certaines particularités importantes pour les investisseurs.

Pour illustrer ce point, prenons un portefeuille de crédits hypothécaires : généralement, chaque mois, chaque emprunteur paiera un montant qui sera représentatif

C’est-à-dire que le portefeuille va s’amortir avec le temps.

Cet amortissement du portefeuille sera plus ou moins accéléré selon deux autres facteurs :

Alors que les intérêts payés par les emprunteurs seront utilisés pour payer l’intérêt payable aux investisseurs, il est évident que chaque remboursement en capital devra être utilisé pour rembourser le capital des obligations.

Les paiements sur des obligations titrisées se faisant généralement à un rythme trimestriel, les investisseurs toucheront chaque trimestre des intérêts et un remboursement en capital dont le montant est incertain.

Par conséquent, l’horizon de placement, la durée et la duration des obligations sont incertains, ce qui peut être très gênant pour estimer la valeur de l’investissement.

Seniorité [modifier]

En règle générale, les remboursements en capital seront utilisés d’abord pour rembourser la classe supérieure (senior). Lorsque celle-ci sera remboursée, les classes inférieures seront remboursées.

Par conséquent, l’horizon de placement, incertain, varie aussi selon la classe dans laquelle on investit.

Remboursement anticipé [modifier]

En règle générale, ce type d’opération se terminera lorsque le portefeuille d’actifs atteindra un montant égal à 10% de son montant initial.

Les raisons de cette règle sont simples : une opération de titrisation requiert l’intervention d’un certain nombre de parties, ce qui implique des frais fixes qui pèsent de plus en plus lourd sur le coût de financement au fur et à mesure que les obligations se remboursent.

Par conséquent, la structure juridique permet au cédant de racheter le portefeuille lorsque celui-ci atteint le niveau prédéterminé (10%). La SPC utilisera le prix de rachat pour rembourser le reliquat des obligations et l’opération sera liquidée (et la SPC dissoute).

Taux [modifier]

Les obligations titrisées, en tout cas en Europe, paient généralement un taux flottant, c-à-d que tous les trois mois, les investisseurs reçoivent un coupon calculé en fonction du principal de l’obligation, et d’un taux qui sera un taux de référence (tel que EURIBOR) plus une marge (qui sera d’autant plus haute que le risque est important).

Ceci ne surprendra pas les financiers : étant donné que l’horizon d’investissement est incertain (rythme de remboursement du principal inconnu), une obligation à taux fixe serait extrêmement difficile à gérer pour l’investisseur : lui aussi doit généralement assurer une gestion actif-passif correcte de son bilan.

Exemple [modifier]

L’exemple ci-dessous est tiré d’une opération réelle.

Amortissement d’une titrisation de crédits hypothécaires
Amortissement d’une titrisation de crédits hypothécaires

Comme on le voit, les paiements en principal sont affectés en priorité au remboursement de la classe A.

Par conséquent, la classe A est dite à remboursement « pass-through » (les flux financiers passent à travers la SPC pour atterrir directement chez les investisseurs) et porte un taux flottant.

Par contre, pour les classes B et C, les éléments suivant sont entrés en ligne de compte :

Les classes B et C ont donc été des obligations à taux fixe, et leur remboursement est dit « soft bullet ». Une obligation « soft bullet » est une obligation remboursable in fine (remboursable en une fois à l’échéance, « bullet » en anglais) mais dont la date de remboursement n’est pas totalement certaine : dans certaines circonstances exceptionnelles (tel qu’un amortissement accéléré imprévu du portefeuille), cette date peut varier.

Classes d’actifs utilisables [modifier]

Il ne semble pas y avoir de limite aux actifs que l’on peut titriser.

Outre les classiques crédits, on pourra titriser des créances commerciales, des loyers d'actifs mobiliers ou immobiliers, des royalties, des flux futurs, bref à peu près tout actif ou droit dont on peut raisonnablement prévoir les flux financiers futurs.

A titre d’exemples des titrisations les plus « exotiques », le gouvernement italien a titrisé les produits futurs du Lotto et de la vente d’un portefeuille de propriétés immobilières, David Bowie a titrisé les revenus futurs de son catalogue de titres, et une banque britannique a titrisé les revenus futurs d’une chaîne de bistrots.

Principaux types d’opérations [modifier]

Les opérations peuvent se classer selon les actifs sous-jacents.

Elles peuvent aussi se classer selon le mode de financement.

Ici, il n’existe que deux modes de financement : opération à long ou moyen ou court terme. A long ou moyen terme, l’instrument utilisé est l’obligation (en général entre 3 et 7 ans).

A court terme, l’instrument utilisé est le papier commercial (commercial paper), des titres à court terme (en général de 1 à 30 jours) émis dans le cadre d’un programme d’émission. On parle de programme ABCP (Asset Backed Commercial Paper).

En règle générale, on financera des actifs « longs » avec des obligations, tandis que les actifs « courts » (telle que des créances commerciales payables à 3 mois) seront financés avec du papier commercial.

Il arrive cependant que des actifs longs soient financés par papier commercial notamment en raison du taux de financement extrêmement bas que ces titres assurent. Cependant, cette pratique doit être utilisée avec prudence parce qu’elle génère un risque de refinancement et de liquidité dans la structure (puisque du nouveau papier commercial doit être émis régulièrement lors de chaque échéance de titre).

Opérations synthétiques [modifier]

En contradiction absolue avec tout ce que nous venons d’exposer, dans une opération de titrisation synthétique, il n’y a pas de vente d’actif.

Une opération synthétique est donc une opération où l’actif n’est pas transféré, mais où on se borne à transférer le risque grâce à un instrument financier développé depuis une dizaine d’année dans les marchés financiers : le dérivé de crédit.

Un dérivé de crédit est un instrument de protection. C’est un contrat où quelqu’un (le vendeur de protection) s’engage à verser un certain montant à l’acheteur de protection (qui paiera une prime pendant la durée du contrat) au cas où une entreprise tomberait en défaut pendant la durée du dérivé de crédit.

Il s’agit donc d’un contrat très semblable à une sorte d’assurance (pour des raisons de techniques juridiques, un dérivé de crédit n’est pas un contrat d’assurance). Synthétiquement, tout se passe comme si l'actif, et ses risques, avaient été vendus au vendeur de protection.

Lorsqu'un dérivé de crédit est utilisé pour transférer le risque d'un portefeuille d'actifs dans le cadre d'une titrisation, comme il n’y a pas de vente d’actif, il n’y a donc pas de paiement d’un prix d’achat. Il y aura cependant émission obligataire, mais celle-ci ne servira pas à payer un prix d’achat.

Afin de comprendre pourquoi il y a émission obligataire et à quoi elle servira, le mieux est de procéder à un parallèle entre la vente et le contrat synthétique.

Lorsqu’une entreprise vend un portefeuille de crédits, l’acheteur paie le prix d’achat (que ce soit une simple vente ou une vente à une SPC pour une titrisation). La relation se termine donc au moment de la vente, et ni le cédant ni l’acheteur n’ont plus d’obligation l’un envers l’autre (sauf d’éventuelles obligations de garantie du cédant).

Par contre, lorsqu’une entreprise achète une protection sur un portefeuille de crédit, aucun prix d’achat n’est payé, mais le vendeur de protection doit, pendant la durée du contrat, couvrir le risque crédit lié au portefeuille. La relation commence donc au moment de la conclusion du contrat, et le vendeur de protection s’oblige à payer les montants convenus au moment de la réalisation du risque.

Ceci revient à dire que l’acheteur de protection a couvert son risque de perte sur l'actif couvert par le dérivé de crédit, mais court à présent un nouveau risque : celui que le vendeur de protection soit incapable de lui payer le montant de protection le moment voulu.

On peut donc dire que le risque de crédit lié au portefeuille a été remplacé par un nouveau risque-crédit sur le vendeur de protection.

Ceci ne pose pas de problème particulier lorsqu’on conclut un tel contrat avec un vendeur de protection professionnel tel qu’une banque (quoique l’acheteur de protection prudent veillera à ne pas trop augmenter ses risques sur la dite banque).

Par contre, quand on se situe dans le monde de la titrisation, le vendeur de protection est une SPC, créée pour l’occasion, et qui n’a a priori aucune surface financière qui lui permette de couvrir ses obligations éventuelles à l’égard de l’acheteur de protection.

L’émission obligataire servira dès lors à créer cette surface financière.

Le mécanisme est simple.

Schéma d’une titrisation synthétique
Schéma d’une titrisation synthétique

Prenons l’exemple d’un portefeuille de crédit de 1.000.

L’acheteur de protection paie une prime à une SPC et conclut, avec la SPC, un dérivé de crédit d’un montant de 1.000.

La SPC va émettre des obligations pour 1.000.

Le montant des obligations est alors utilisé pour acheter des actifs sans risque (ou à risque très faible) tels que des OAT (obligations d’état émise par le gouvernement français).

Ces OAT sont placées sur un compte titre ouvert au nom de la SPC pour la durée de l’opération, et elles sont gagées au bénéfice de l’acheteur de protection et des obligataires.

Si aucune perte ne survient dans le portefeuille de crédits « protégés », les OAT gagées seront revendues au terme de l’opération, et le résultat de cette vente utilisé pour rembourser les obligataires.

Si une perte survient dans le portefeuille de crédit, une certaine quantité d’OAT seront vendues, et le résultat de cette vente utilisé pour payer à l’acheteur de protection le montant qui lui est dû.

Dans ce dernier cas de figure, il est évident que si les pertes du portefeuille atteignent un certain montant, il ne restera pas suffisamment d’OAT pour rembourser les obligataires.

Comme on le voit, par ce mécanisme simple, le risque de crédit du portefeuille de crédits a été transféré aux obligataires sans que les crédits eux-mêmes leur aient été transférés.

On a « synthétiquement » reproduit le mécanisme normal de la titrisation tel que décrit plus haut.

Pour le surplus, une titrisation synthétique peut reproduire exactement le même type de structuration (classes) et de rehaussement de crédit qu’une opération avec vente réelle.

Pourquoi une titrisation synthétique ? [modifier]

Pas de financement [modifier]

Une titrisation synthétique n’apporte pas de fonds au cédant.

Par conséquent, ce type de transaction sera éventuellement choisi par des cédants qui n’ont pas de besoin de financement, mais seulement des besoins de gestion de risque.

Simplicité de structuration [modifier]

Par ailleurs, la titrisation synthétique peut être une solution à certains problèmes posé par les titrisations en vente réelle : une vente réelle est assez lourde, et elle peut même parfois être impossible. Cela peut être le cas des crédits aux entreprises, dont le contrat peut contenir des clauses qui en interdisent la cession.

Opérations plus importantes et coût inférieur [modifier]

La titrisation synthétique permet de monter des opérations d’un montant beaucoup plus important qu’une titrisation classique, parce que une opération synthétique peut être partiellement financée.

Dans une opération partiellement financée, on ne finance qu’une partie du risque tandis que le surplus est non financé.

Exemple :

Portefeuille de crédit de 1.000.

Schéma d’une titrisation synthétique partiellement financée
Schéma d’une titrisation synthétique partiellement financée

L’analyse des agences de notation aboutit à la conclusion qu’avec une réserve de 10, le portefeuille atteint la qualité AAA.

L’acheteur de protection conclut, avec une SPC, un dérivé de crédit d’un montant de 100.

La SPC va émettre des obligations pour 100, dont 90 de qualité AAA.

Pour le surplus, l’acheteur de crédit va conclure un simple dérivé de crédit avec une banque internationale de qualité AAA pour un montant de 900.

Selon les termes de ce dernier dérivé de crédit, la contrepartie ne couvrira les pertes du portefeuille que si celle-ci dépassent 100 (c’est-à-dire le montant de la protection assuré par la SPC). Selon les conventions de marché, ce dérivé sera qualifié comme ayant une qualité « super AAA », c’est-à-dire de meilleure qualité que le « AAA », censé être la meilleure qualité possible.

Les banques internationales signent volontiers ce type de dérivé de crédit en tant que « vendeur de protection » justement parce qu’elle considèrent que le risque est tellement ténu qu’il est virtuellement inexistant. Par conséquent, la prime à payer pour ce type de protection est, en règle générale, inférieure à la marge qui devrait être payée sur des obligations « AAA », ce qui fait baisser le coût global de l’opération.

Régime juridique [modifier]

Les pays de régimes juridiques continentaux basés sur le Code Napoléon ont été fort en retard sur les autres pays du fait de la complexité du mécanisme de cession de créance.

Dès lors, afin de permettre la titrisation, le législateur a dû mettre en place un mécanisme particulier qui simplifie cette cession.

En France, le législateur a créé, par la loi du 23 decembre 1988, les FCC - Fonds Communs de Créances, qui sont des fonds d'investissement spécialisés dont l’objet est l’achat et le refinancement de créances, et rendu particulièrement simple le mécanisme de cession de créances, ou des risques sur ces créances, à ces fonds.

D’autre pays européens ont créé des mécanismes semblables (Belgique : Fonds ou Sociétés d’Investissement en Créances).

Covered Bonds [modifier]

Sous cette expression anglaise, on désigne un instrument financier qui se rapproche de la titrisation.

En France, les Obligations Foncières sont des obligations émises par des établissements bancaires spécialisés dont le seul objet est l’origination de créances hypothécaires et de crédit aux pouvoirs publics. Les actifs de ces banques sont dès lors de très bonne qualité et garantissent les obligations émises par ces banques.

Alors que le rehaussement de crédit d’une titrisation est assuré par une structuration complexe, celui-ci est assuré, dans le cas des obligations foncières, par un régime juridique et des règles de fonctionnement extrêmement sévères des banques spécialisées.

On constate cependant sur le marché que la distinction entre les deux produits est parfois ténue, les émetteurs d’obligations foncières utilisant certaines techniques de structuration.

Mise en perspective : la titrisation comme instrument stratégique [modifier]

Il a été fait allusion dans une des sections ci-dessus aux entreprises, telles que des sociétés financières aux États-Unis, qui ont besoin de la titrisation pour financer leur activité.

Il n’est pas rare dans ce pays que des entreprises soient financées quasi exclusivement par la titrisation : des sociétés de crédit par exemple, qui produisent des crédits liés à des cartes de crédit et titrisent le portefeuille dès que celui-ci atteint un certain montant.

On peut analyser cette tendance comme étant un corollaire à la spécialisation des entreprises. On sait que la tendance actuelle est à la sous-traitance ou à l’impartition, et ce n’est pas un hasard : afin de maximiser ses profits, chaque entreprise détermine son activité clé (core business) et tendra à se débarrasser des activités annexes.

Pour donner un exemple grossier, une banque n’a pas vocation à tenir un restaurant. Elle sous-traitera donc les activités du restaurant d’entreprise à une société spécialisée.

Dans une certaine mesure, la titrisation est également révélatrice de cette tendance. Lesdites sociétés de crédit américaines ont décidé que leur activité clé était l’évaluation du risque crédit et la prise de risques de crédit. On dira que la fonction de cette entreprise est l’« origination » de crédits.

Dans cette optique, une activité annexe indispensable sera la collecte des fonds nécessaires pour accorder les crédits.

Pour cette activité, on peut envisager les modèles suivants :

1er modèle : Collecte de fond sur le marché des capitaux ou par le dépôt des clients, ce qui implique que l’entreprise devient une banque, avec les éléments suivants :

Pour assurer ses activités, l’entreprise devra engager du monde, acheter des systèmes experts, bref, elle va s’éloigner de son activité clé telle qu’elle a été déterminée.

Ceci n’est pas mauvais en soi, puisque nous avons décrit ici la naissance d’une banque, mais reste que l’activité clé va commencer à être délaissée, et l’entreprise va devoir redéfinir ses activités clés.

2eme modèle : Titrisation systématique des actifs dès qu’ils atteignent un certain montant :

La société est donc focalisée sur son activité clé, et elle maximalise la rentabilité de son activité de prise de risque-crédit en conservant le premier risque sur les portefeuilles titrisés (tout en se couvrant pour les pertes exceptionnelles).

Bien sûr, entre ces deux modèles extrêmes, il existe une infinité de possibilité, mais on voit que le succès de la titrisation est aussi d’une certaine façon une conséquence de la spécialisation de plus en plus forte des entreprises.

L’exemple ci-dessus montre comment la titrisation est en fait une externalisation de la fonction financière de l’entreprise.

On aurait pu également prendre l’exemple de la fonction de gestion de portefeuille d’actif : une entreprise dont la fonction-clé est l’origination de crédits n’a pas nécessairement pour fonction de vérifier le paiement régulier des crédits ou d’assurer leur recouvrement en cas de défaut de la part de l’emprunteur.

Or cette fonction suppose aussi l’acquisition de systèmes et de personnel qui ne sera pas utilisé pour la fonction-clé de l’entreprise.

Par conséquent, cette activité là aussi peut être sous-traitée. Dans les faits, on constate effectivement qu’aux États-Unis et au Royaume-Uni, il est tout à fait commun pour une banque de confier la gestion au jour le jour de son portefeuille de crédit à une entreprise tierce dont cette gestion (on parle en anglais de « servicing ») constitue l’activité-clé. En Europe, ce mouvement tarde à se mettre en route et les rares entreprises spécialisée ont du mal à se faire accepter.